mardi 15 janvier 2013

"Refonder l'Université, dynamiser la recherche, mieux coopérer pour réussir" : le numérique dans le rapport de Jean-Yves Le Déault



Source : le rapport du député JY Le Déault établi à l'issue des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, rapport remis à Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, le 14 janvier 2013,

 

Propositions de transcriptions législatives et réglementaires des conclusions des Assises 2012 de l’enseignement supérieur et de la recherche

 

Toute une partie est consacrée au numérique : partie II/C, pages 81 à 83 :  "Pour des enseignements 2.0"

Pour des enseignements 2.0 [1] 


Les modèles pédagogiques, notamment universitaires, sont nés à un moment où l’accès au savoir se faisait quasi-exclusivement au travers des professeurs et des bibliothèques. L’effet conjoint de la massification de l’enseignement supérieur et des nouvelles technologies de l’information a fortement bouleversé la donne de l’enseignement supérieur, et pourtant, dans les faits assez peu de choses ont changé. Pour répondre aux carences du modèle actuel, de nombreux cours privés se sont développés. Cette situation nuit gravement à l’égalité des chances et est synonyme d’un échec de l’enseignement supérieur public.


La mise en place de nouvelles pratiques pédagogiques doit permettre de rénover la relation étudiant/professeur. Le numérique doit être un allié précieux mais il ne peut être une fin en soi et ne saurait être un gadget faussement innovant. Dans les établissements d’enseignement supérieur français, sans trop caricaturer, celui-ci se résume encore souvent à avoir des salles informatiques, parfois le wifi dans les amphithéatres et à dispenser des cours d’initiation aux nouvelles technologies de l’information. 

Les générations entrant actuellement dans l’enseignement supérieur sont déjà des Digital Natives [2]. Pour eux, cette vision du numérique apparaît ainsi quelque peu surannée.


Le numérique déplace les lignes



À l’échelle internationale, avec les MOOCs (Massive Open Online Courses [3]), les nouvelles technologies de l’information et surtout le web 2.0 [4] ont fait une entrée remarquée dans le monde de l’enseignement supérieur. La prise en compte des NTIC va révolutionner l’enseignement supérieur, un pays qui ne prendrait pas cette orientation se verrait déclassé et, comme le dit Vincent Berger, on assisterait à un détournement, de l’intérieur, des cerveaux de notre enseignement supérieur, à un affaiblissement de notre culture et de notre rayonnement.


La réforme pédagogique ne peut se résumer au numérique. Le numérique est souvent abordé dans le cadre des formations continue et à distance, il ne peut pas être cantonné à ce cadre. La première année d’études à l’UFR de médecine de Grenoble, pour ne citer qu’un exemple, est une utilisation raisonnée et intelligente des nouvelles technologies dans la formation initiale. La réforme pédagogique a permis de renforcer l’encadrement des étudiants et leur réussite (depuis cette réforme, il n’y a plus aucun avantage en termes de résultats au concours de première année à suivre des cours privés de préparation). Le remplacement des cours magistraux par des cours vidéos sur support numérique, initialement pour des contingences matérielles, a permis d’améliorer la transmission du savoir, la qualité des supports de cours et le taux d’encadrement aussi bien virtuel que physique.


L’augmentation du taux d’encadrement a été réalisé à moyens financiers quasi-constants en faisant appel à des tuteurs étudiants. Cette méthode, qui s’apparente à l’école mutuelle [5] des XVIIIème et XIXème siècles, a permis de privilégier des séances de travaux en petits groupes et une certaine démocratisation des études longues, grâce à la création de « contrats de tuteurs étudiants ». Ces contrat permettent en effet à ces étudiants de financer leurs études tout en travaillant dans leur domaine disciplinaire. Je propose de généraliser les « contrats de tutorat master-licence » pour que les étudiants au niveau master puissent encadrer des étudiants de niveau licence dans des séances de tutorat.


À l’heure actuelle, ces évolutions drastiques des pratiques pédagogiques restent relativement marginales et peu étudiées. Il apparaît nécessaire que l’ANR finance un grand programme de recherches mêlant sciences humaines et sciences sociales, sciences de l’éducation et sciences de l’information et de la communication, sur les outils numériques pour l’enseignement, les évolutions pédagogiques et sur les modifications de notre rapport au savoir induits par l’utilisation généralisée du numérique. Les modèles d’enseignement qui doivent évoluer dès à présent devront être améliorés suivant les résultats de ces recherches. Les évolutions nécessaires ne pourront et ne devront pas être pilotées par le sommet. Je suis très favorable dans ce domaine au droit à l’expérimentation.


L’État devra veiller à ce que la diffusion des retours d’expérience et le partage de bonnes pratiques se fassent de la manière la plus large possible pour que chacun des établissements d’enseignement supérieur français puisse mettre en place les formations  les plus e_caces possibles.


Je propose d’inciter les acteurs à se saisir de l’importance du sujet en lançant un plan national « France Universités Numérique (FUN) ». Cette initiative devrait permettre de développer une ffre ambitieuse de contenus pédagogiques multimédia en ligne. Ces contenus pourraient aussi bien être utilisés en complément des cours pour les formations diplômantes classiques, que dans le cadre de formations à distance. Le Parlement pourrait avoir à préciser les responsabilités de l’université, du directeur de la publication et des professeurs quant au fond de ces contenus, notamment en ce qui concerne la tolérance envers la pratique d’illustrer les cours par des extraits de documents pouvant être protégés par la propriété intellectuelle. Une autre question qui se posera, sera de savoir si la protection de la liberté de parole dont jouit un enseignant-chercheur dans le cadre de ses cours s’étend aussi aux supports numériques.


Enfin, pour renforcer le lien entre un établissement et ses anciens étudiants, les nouveaux supports de cours pourraient être envoyés aux étudiants diplômés. Cela permettrait de poursuivre le double objectif de développer la formation continue et de renforcer les liens entre anciens élèves et établissement d’enseignement supérieur.







[1] Analogie avec le web 2.0 (voir ci dessous) : plus d’interactivité et plus de numérique

[2] Nouvelles générations qui sont nées durant l’essor de l’Internet et de la téléphonie sans fil et qui n’ont pas de souvenir du monde sans ces technologies.

[3] Cours en ligne ouverts et massifs : ces cours se déroulent intégralement en ligne et sont suivi par des milliers voire des centaines de milliers de personnes. Ces cours s’appuient sur des réseaux virtuels d’étudiants et d’enseignants disséminés sur une très large zone géographique ; toute la terre pour certains cours très suivis et très réputés. Ces cours peuvent parfois être validés à distance pour obtenir des diplômes de l’université émettrice.

[4] Le web 2.0 est une évolution du web vers plus de simplicité et d’interactivité qui a permis de multiplier les échanges et a aussi permis notamment aux personnes possédant peu de compétences techniques de publier des contenus et dialoguer aisément sur Internet.


[5] L’école mutuelle est un système éducatif dans lequel ce sont les élèves du niveau N+2/3 qui enseignent, sous la supervision de professeurs, aux étudiants de niveau N.

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