
A en croire Sébastien Thurn, professeur à Stanford et fondateur de la société Udacity, à l’origine des premiers Moocs (Massive Open Online Courses), il ne restera plus dans le monde que 10 universités dans 50 ans.
A ses côtés, de nombreux experts s’interrogent sur la place des cours présentiels dans un contexte d’explosion de l’offre de formation en ligne.
31/01/2013 |
Denis ABECASSIS |
Éducation |
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Les universités françaises pourraient-elles disparaitre ?
LE CERCLE. À en croire Sébastien Thurn, professeur à Stanford et
fondateur de la société Udacity, à l’origine des premiers Moocs (Massive Open Online Courses), il ne restera plus dans le monde que 10
universités dans 50 ans. À ses côtés, de nombreux experts s’interrogent
sur la place des cours présentiels dans un contexte d’explosion de
l’offre de formation en ligne.
Ces remarques s’appuient sur des constats indiscutables :
- L’offre de formation en ligne gratuite s’amplifie, notamment par le développement des plateformes Open CourseWare.
- Les "open universities" inscrivent désormais plus de dix millions d’étudiants dont près d’un million en Europe parmi lesquels des dizaines de milliers d’étudiants français.
- Les plus prestigieux établissements anglo-saxons (Harvard, M.I.T., Stanford, …) ont créé des structures qui offrent des formations en ligne et les valident.
- Des Moocs, comptant souvent plus de 100 000 inscrits, prolifèrent, proposant des évaluations que certaines universités reconnaissent (comme l’université de Fribourg en Allemagne).
- Des dizaines de millions de dollars sont investis chaque année par des établissements parmi les plus performants, pour acquérir ou conserver une position dominante.
- Les formes traditionnelles d’enseignement s’éloignent des pratiques, de plus en plus nomades, des étudiants : recherche de cours en ligne, réseaux sociaux….
- Le monde francophone, à l’exception notable du Québec, manifeste un retard considérable.
Ces constats conduisent à s’interroger sur le devenir des universités
françaises, les enseignements en ligne, dominés par de prestigieuses
universités américaines, remplaceraient les enseignements présentiels et
videraient les campus.
S’il est incontestable que les TIC ont pris une place prépondérante
dans toutes les formes d’apprentissage, les cours présentiels conservent
encore tout leur attrait, la grande majorité des étudiants préférant ces
enseignements, plus socialisants et permettant des échanges directs
entre pairs, aux cours en ligne, par essence plus solitaires. À
l’inverse, le blended learning (enseignements hybrides), comme les
flipped classroom (classes inversées), où l’enseignant consacre
l’essentiel de son temps à échanger, au lieu de transmettre des
connaissances, sont plébiscitées (1).
L’enseignant partage alors son savoir par une pédagogie plus active et
interactive qui vise à faire acquérir certaines compétences. La
généralisation des TIC peut ainsi permettre d’améliorer les
enseignements présentiels, en apportant des réponses plus proches des
besoins des étudiants et en améliorant leur réussite. L’enseignement en
ligne n’est donc pas destiné (réservé) uniquement à des étudiants "à
distance", mais concerne tous les publics de formation initiale, de
formation continue et de formation tout au long de la vie (2) qui
attendent du numérique un enrichissement de leur formation.
Même s’ils ne sont pas encore généralisés, les enseignements numériques
occupent une place croissante dans toutes les formations et dans tous
les établissements, ce qui entraîne un changement de mentalité des
apprenants et des enseignants, conduisant ces derniers à une réflexion
sur les contenus, les pratiques pédagogiques et les modes
d’intervention. Ces formes d’enseignement trouvent, par une
interactivité renforcée qui maintient l’intérêt de l’apprenant et sa
persévérance, une place croissante.
Les avancées constatées en France sont le résultat de partenariats
fructueux entre universités. Des coopérations se sont développées, des
outils ont été harmonisés, des cours sont mutualisés, des pratiques sont
partagées, notamment dans le cadre des UNT (Universités Numériques
Thématiques) et des UNR (Universités Numériques Régionales). Les
obstacles à l’ascension du numérique ont été identifiés, recensés,
évalués.
Beaucoup d’enseignants, particulièrement dans certaines disciplines
comme l’économie et la gestion, hésitent à s’impliquer dans des
activités jugées chronophages, souvent en conflit avec des projets de
recherche beaucoup plus valorisants. De même, dans la dynamique
d’autonomisation des universités, les équipes techniques peinent à se
stabiliser et à se renforcer. Enfin, le rôle des tuteurs, et leur statut
mériteraient d’être mieux articulés avec celui des enseignants.
De plus, même si les présidents d’universités et la CPU (Conférence des
Présidents d’Universités) ont pris la mesure des enjeux, une distance
persiste entre les discours et les actes. Dans des établissements
englués dans des contraintes financières qui leur laissent peu de marge
de manœuvre, le numérique tarde à trouver une place structurante qui
couvrirait tous les aspects (enseignement, documentation, recherche,
pilotage…). Le numérique ne s’installera "au cœur de la stratégie des
établissements" (comme le soulignait J. P. Finance lors du séminaire de
la CPU du 21 juin 2012) que s’il est réellement soutenu par les
présidents d’universités.
L’urgence d’une initiative portée par la puissance publique est
incontestable. Madame Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement
supérieur, s’apprête à annoncer un projet pour le développement du
numérique dans l’enseignement supérieur.
Ce ne peut plus être une énième initiative. Il s’agit de fixer des
objectifs ambitieux, de changer d’échelle, de mobiliser les énergies et
les compétences, de s’appuyer sur les réalisations réussies. Mais
surtout, ce projet ne réussira que s’il parvient à impliquer toutes les
universités, la grande majorité des enseignants-chercheurs et l’ensemble
des équipes administratives et techniques. En un mot il s’agit de
déclencher une dynamique décisive.
Face à ce nouveau défi, le potentiel des universités françaises
pourrait alors se déployer. Il en va de leur présence dans le monde
numérique européen, francophone et international et, d’une certaine
manière, de leur survie.
Voir en particulier "Les technologies numériques dans l’enseignement
supérieur, entre défis et opportunités" par Laure Endrizzi. Dossier
d’actualité veille et analyses - n° 78 - octobre 2012 - IFE - ENS Lyon :
Voir l’article "les trois démocratisations de l’université" : http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/education/221146094...
et aussi :
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